Gaston Bachelard, extrait de la poétique de l’espace, 1957

Extrait du chapitre I :


La maison. De la cave au grenier. Le sens de la hutte.
Car la maison est notre coin du monde. Elle est — on l'a souvent dit — notre premier univers. Elle est vraiment un cosmos. Un cosmos dans toute l'acception du terme. Vue intimement, la plus humble de-meure n'est-elle pas belle ? Les écrivains de l'humble logis n’évoquent souvent cet élément de la poétique de l'espace. Mais cette évocation est bien trop succincte. Ayant peu à décrire dans l'humble logis, ils n'y séjournent guère. Ils caractérisent l'humble logis en son actualité, sans en vivre vraiment la primitivité, une primitivité qui appartient à tous, riches ou pauvres, s'ils acceptent de rêver.
Le temps qui passe dépose des résidus qui s'empilent : des photos, des dessins, des corps de stylos feutres depuis longtemps desséchés, des chemises, des verres perdus et des verres consignés, des emballages de cigares, des boîtes, des gommes, des cartes postales, des livres, de la poussière et des bibelots : c'est ce que j'appelle ma fortune.

Georges Perec extrait de 'Espèces d'espaces', galilée, 1974.